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Nos lectrices et lecteurs habituels ont certainement remarqué que notre blog était en panne. Celle-ci a duré deux-trois semaines. En fait ce n’était pas une panne complète, mais il fallait au moins attendre 30 secondes pour que le blog s’ouvre et tout autant pour passer d’un article à un autre. Or personne n’attend jamais 30 secondes sur Internet ! Bref, on n’existait plus !

Était-on victimes d’une cyber-attaque ? Même pas, c’était juste une mise à jour qui avait foiré ; il y avait aussi un widget qui foutait la merde ; on n’aurait jamais dû mettre la croix dans la case « mise à jour automatique », etc. J’ai écouté, entendu et peut-être même compris/appris quelque chose. Parmi mes camarades, je suis sans doute la plus technophobe. Quand je vais dans les entrailles du truc, c’est juste pour y placer mon papier, rédigé à l’aide de mon traitement de texte habituel. J’ai donc suivi de loin le travail de celui qui s’y est collé. Pour l’instant, le blog est minimaliste, ce sera plus joli dans quelque temps…

Cette affaire m’a fait sombrer dans un abîme de perplexité. La « propagande », les tracts, les journaux, l’expression libre sont de plus en plus les otages d’une technologie qui m’échappe. Tout à coup je me suis sentie vieille et démunie. Pensant aux tracts que je distribuais, à l’époque, chaque semaine devant mon lycée, j’ai tout à coup eu la nostalgie du bruit de la ronéo et de l’odeur de l’encre poisseuse. Pour imprimer les textes, on utilisait des stencils qui étaient percés avec une machine à écrire mécanique. Si on faisait une faute de frappe, il fallait la corriger à l’aide d’un verni et retaper par-dessus. Pour les illustrations, on pouvait faire de petits dessins avec un stylet… Ensuite, il fallait mettre le stencil sur la machine et rester à côté le temps de l’impression pour remettre du papier, vérifier le niveau de l’encre… se salir les mains, quoi.

Ensuite, il y a eu les stencils électroniques. On pouvait faire une mise en page plus élaborée, mettre des photos… L’appareil reproduisait sur le stencil la maquette qu’on avait faite. J’ai connu aussi les première machines à écrire électriques (à boules), puis électroniques qui avaient une mémoire. Là, quand on repérait une « coquille », il fallait compter le nombre de lignes et de caractères pour faire la correction à la bonne place. L’offset (la photocopieuse pour le petits tirages) se sont substituées à la ronéo.

Pour ce qui est de l’Affranchi ou d’Aujourd’hui, nous avons travaillé avec des imprimeurs à qui l’on livrait des maquettes réalisées sur ordinateur. Bref la technologie a toujours été présente et en cas de panne, j’aurais été bien incapable de réparer les machines que nous utilisions. Il n’en reste pas moins que je n’éprouvais pas ce sentiment d’étrangeté qui m’assaille aujourd’hui.

Autant que la production, c’est aussi la diffusion qui a changé. Du tract qu’on distribue de main à main, du journal qu’on vent à la criée, qu’on dépose en caissette ou en kiosque, au texte mis sur le web comme une bouteille à la mer… on est toujours plus distant de notre « public ». De plus, le big data et les algorithmes facilitent le contrôle accru d’une éventuelle popularité de nos propos.

Pour en revenir à la facilité et au confort de publication que donne Internet, ils ont aussi l’« inconvénient » de permettre à de petits collectifs comme le nôtre, ou à des individus isolés, de publier apparemment sans contraintes. Pour faire un journal, il faut être un certain nombre au vu des tâches à accomplir et aussi pour la diffusion, pour rentrer dans ses frais… Cela implique plus de rencontres, de permanences, de difficultés et contradictions.

La multiplication des publications sur le web participe de la marée montante de l’insignifiance. Pas besoin de collectif, d’organisation… Chacun-e y va de sa petite idée sans opposition, discussions, ni conflits. Les priorités et les enjeux disparaissent. Liberté éphémère, puisqu’il suffit qu’accidentellement ou volontairement on nous retire la prise, mais aussi émiettement de l’opposition au système et impuissance.

Dans ce monde où des profs donnent leurs cours assis devant leur écran ; où l’atomisation devient la règle, il est des jours où l’on se dit que l’on devrait, dans la mesure du possible, développer et maintenir des formes de communication plus matérielles, comme le font certain-e-s de nos ami-e-s, y compris parfois en reprenant l’un ou l’autre de nos textes.[1]

Ariane

[1] Dernier en date dans La Révolte, de Pau, février 2021.

cnt-ait-pau.fr/wp-content/uploads/2021/02/Révolte67février-2021.pdf