A raison, nous pouvons nous interroger sur l’instrumentalisation que font les dirigeants de la crise du COVID 19, comme le souligne avec pertinence l’article « COVID 19. Tous cobayes ? ». Restera néanmoins que cette crise est un tournant historique, tant elle marque les consciences. Il s’agit d’une crise sanitaire aux répercussions mondiales et dont les conséquences économiques, politiques et sociales vont transformer nos sociétés. Il est évident que les élites cherchent déjà à en tirer profit pour imposer un peu plus le modèle qu’elles défendent. La question est de savoir quelles seront les réactions des populations et comment nous situer dans cette nouvelle donne politique.
Des consciences ébranlées.
« Nos concitoyens s’étaient mis au pas, ils s’étaient adaptés, comme on dit, parce qu’il n’y avait pas moyen de faire autrement. »[1] Il y avait quelque chose d’effrayant à observer les attitudes communément adoptées aux premiers temps du confinement. Toute voix discordante était accueillie par une sourde réprobation collective. Peu ou prou, les mesures liberticides étaient acceptées sans la moindre réticence… une fois admis que la crise sanitaire était bien réelle. Car, il faut s’en souvenir, la première allocution du Président Macron avait fait chou blanc. La faute à un pouvoir exécutif discrédité par trois ans de guerre sociale où il avait multiplié les mensonges et les artifices. Et il est significatif de constater qu’il ait fallu entendre – lors de la deuxième allocution présidentielle – que le gouvernement reportait sa loi sur les retraites pour que la population convienne du sérieux de la situation.
Mais, à l’instant où la gravité de la pandémie a été admise, nous avons vécu certainement, quelque chose d’assez semblable à cette « Union sacrée » de 1914. Et la comparaison n’est nullement déplacée. Dès cette seconde allocution, Macron reprenait la rhétorique guerrière d’un Clemenceau pour préparer la promulgation de sa loi organique d’urgence du 22 mars 2020. Loi qui a été validée par le Conseil constitutionnel au mépris de la Constitution[2]. Et une historienne reconnue de faire remarquer que, même en 1914, le Parlement avait défendu avec plus de conviction ses prérogatives[3]. Cela n’a été possible que parce que la grande majorité de la population française était sous le choc et s’abandonnait au pouvoir exécutif, sans la moindre réserve, exactement comme en temps de guerre, exactement comme le souhaitait le pouvoir exécutif. « C’est pendant la guerre que le pouvoir exécutif déploie la plus redoutable énergie, et qu’il exerce une espèce de dictature qui ne peut qu’effrayer la liberté naissante ; c’est pendant la guerre que le peuple oublie les délibérations qui intéressent essentiellement ses droits civils et politiques pour ne s’occuper que des événements extérieurs, qu’il détourne son attention de ses législateurs et de ses magistrats pour attacher tout son intérêt et toutes ses espérances à ses généraux et à ses ministres, ou plutôt aux généraux et aux ministres du pouvoir exécutif. »[4] professait Robespierre… Il doit toujours avoir ses lecteurs parmi les conseillers d’Etat.
Quelle que soit la dangerosité du COVID 19 et la pertinence du confinement, il est inquiétant de noter à quel point, dans les situations de danger imminent, la première réaction est de s’en remettre à l’Etat. Comme il est détestable de voir ressurgir les réflexes de délation et cette obéissance aveugle qui montre du doigt celui qui ne se soumet pas, ou pas assez.
De concert, des réflexes individualistes se sont révélés. Aux premiers jours du confinement, les supermarchés ont été dévalisés. Il n’était pas rare de voir celui-ci avec un chariot débordant de rouleaux de papier toilette, à torcher tout un régiment, tandis que celui-là faisait un stock de pâtes permettant de tenir une année entière. Ces disputes pour s’arracher les produits de première nécessité ; ce vieillard perdu au milieu des rayons, insulté parce qu’il ne respectait pas les distances de sécurité, doublé par un autre qui voulait récupérer avant lui le dernier kilo de riz. Et ces écœurantes lettres anonymes demandant à des personnels de santé de quitter l’immeuble où ils résident, par peur de la contagion. Et ces masques volés dans les voitures des soignants…
Pourtant, à y regarder de plus près. Tout n’est pas à mettre sur le même plan. Après les premiers temps d’obéissance aveugle, les consciences se sont réveillées chez beaucoup. Quant à l’égoïsme, il n’était pas général. Dans ma ville, c’est dans les discounts proches des quartiers populaires que l’on trouvait les rayons les mieux achalandés. Les pauvres n’ont pas les moyens de faire autant de provisions que les autres, certes, mais c’était aussi là que les comportements étaient les plus respectueux. Par contre, la France qui a voté Macron, celle qui adhère au système et y vit plutôt bien, celle-là est partie dans les résidences secondaires (un million et demi de Parisiens…) et dans des locations de vacances, pendant que les autres respectaient le confinement. Et c’est dans les campagnes, les quartiers populaires et les petites villes que les réseaux de solidarité ont été les plus rapides à se mettre en place et sont aujourd’hui encore les plus actifs.
Car, malgré tout, la phrase de Camus sonne juste : « Et pour dire simplement ce qu’on apprend au milieu des fléaux, qu’il y a dans les hommes plus de choses à admirer que de choses à mépriser. » D’aucuns ne verront dans ces élans de solidarité qu’un certain conformisme, l’acceptation du discours dominant : de la crédulité et de la soumission. De la crédulité ? Peut-être. Cela n’enlève rien à la sincérité des démarches de ces hommes et de ces femmes qui fabriquent des masques et des tabliers pour les personnels soignants, leur amènent des repas, les encouragent, font les courses de leurs voisins trop âgés, aident les enfants des autres à faire leurs devoirs… Et ces infirmières et médecins volontaires béarnais qui sont partis à Mulhouse, pour soigner des malades, peut-être sont-ils crédules. Mais ils l’ont fait. Et tous ceux-là font preuve d’altruisme. C’est ce qui importe. Quant à la soumission, pardon, mais elle n’est pas ici. Ces sont des actes volontaires et spontanés, des initiatives individuelles ou collectives qui pallient aux manquements de l’Etat. Cette solidarité, c’est le ciment de la société qui reste à nu – et qui résiste – quand tout le reste a disparu.
Alors nous voyons lentement émerger deux camps : celui des cyniques et celui des altruistes. Et celui des altruistes n’est pas le moins fourni. Aujourd’hui, pour beaucoup, respecter le confinement, ce n’est pas faire preuve de docilité : c’est protéger les autres. C’est très net dans les campagnes, notamment. Et les critiques des décisions gouvernementales sont de plus en plus prégnantes. Pour une part importante de la population, le gouvernement n’est pas à la hauteur de la situation. Il se contredit, il ne prend pas les bonnes mesures, il est responsable des carences du système de santé, il prend ses ordres auprès des grands patrons. Nous sommes à l’heure de l’urgence, beaucoup parent au plus pressé, mais l’on pressent, qu’une fois la crise passée, ils entendent demander des comptes.
Le pari des élites
« Le coronavirus est la catastrophe parfaite pour le « capitalisme de catastrophe » » affirme Naomi Klein. Elle rappelle comment en 2008, après le passage de l’ouragan Katrina, les élites américaines avaient saisi l’occasion pour imposer des mesures d’austérité favorables aux banques et aux multinationales. Elle souligne l’analogie avec ce qui se passe aujourd’hui au niveau mondial. Difficile de partager les espoirs qu’elle place dans le « green new deal » – qui apparaît comme une énième tentative de refondation de la gauche sur fond d’écologie – mais la réalité confirme son analyse de l’action des élites en place : « La « stratégie du choc » est la stratégie politique consistant à utiliser des crises à grande échelle pour faire adopter des politiques qui aggravent systématiquement les inégalités, enrichissent les élites et dépouillent tout le monde. Dans les moments de crise, les gens ont tendance à se concentrer sur les urgences quotidiennes de survie à cette crise, quelle qu’elle soit, et ils ont tendance à faire trop confiance à ceux qui sont au pouvoir (…). Les élites politiques et économiques comprennent que les moments de crise sont l’occasion de faire avancer leur liste de souhaits de politiques impopulaires qui polarisent encore plus la richesse. (…) Ils ne le font pas parce qu’ils pensent que c’est le moyen le plus efficace d’alléger la souffrance pendant une pandémie – mais ils voient maintenant une occasion de mettre en œuvre les mesures qu’ils ont en tête »[5].
D’ores et déjà, le confinement de 2 milliards de personnes a désorganisé l’économie mondiale et le FMI prévoit une récession d’une ampleur inégalée[6]. Une augmentation considérable du chômage et de nombreuses faillites des petites entreprises sont à prévoir. Il n’est pas besoin d’être économiste pour imaginer, par exemple, les répercussions de cette crise sur le secteur du tourisme en France (1,27 millions de salariés). A l’échelle mondiale, c’est pire encore, la Banque Mondiale prédit une crise alimentaire d’ampleur sur le continent africain. Et le FMI annonce « une forte augmentation du chômage, même si de nombreux pays ont adopté des programmes de maintien de l’emploi. Par conséquent, il est prévu que le revenu par habitant chute dans 90 % des 189 Etats membres du FMI »[7] tandis que l’Organisation Internationale du Travail prévoit que 1,25 milliards de travailleurs risquent de perdre leur emploi et/ou subir des pertes sèches[8].
Lorsque Edouard Philippe déclarait le 19 avril dernier : « Nous ne retrouverons pas notre vie d’avant », il préparait l’opinion aux conséquences des politiques antisociales qui sont mises en place. La loi du 20 mars 2020 annonçait clairement la couleur : remise en question des trente-cinq heures et des RTT, passage aux 60 heures par semaine dans les secteurs stratégiques… Pour commencer.
L’enjeu politique majeur pour les élites est donc l’acceptation de ces mesures par une part suffisamment large de la population. Trois axes semblent d’ores et déjà des éléments clés du discours des élites pour gagner la bataille des idées :
- S’arroger le rôle de réformateurs
Le débat sur le changement doit se focaliser sur les décisions qu’ils vont prendre. Les politiques et les médias se sont approprié l’idée que rien ne sera plus comme avant pour légitimer les sacrifices qu’ils vont exiger de nous. Cela permet d’évincer une réflexion sur le modèle économique et politique qui a produit cette crise et concentrer les polémiques sur les mesures politiques concrètes à mettre en place. Et que l’on pourra – ou non – revoir à la marge. L’essentiel est de faire accepter l’idée qu’il faut trouver des solutions pour relancer le système et éviter à tout prix que la question d’en changer n’émerge. Pour cela, le pouvoir s’accapare déjà les thèmes de ses opposants : « il faudra reformer l’économie pour être autosuffisant dans certains domaines stratégiques ; il faudra intégrer avec plus d’insistance les préoccupations environnementales aux politiques publiques ; il faudra renforcer notre système de santé ; il faudra aider les plus pauvres. Il faudra, il faudra, il faudra… Mais pour cela, il faut, avant tout, relancer notre économie». - Mobiliser la peur de la pandémie et les solidarités, pour justifier les privations de liberté et faire avancer les conceptions malthusiennes
L’objectif est de diviser l’opinion pour isoler et réduire l’opposition. Dans un premier temps, il s’agit d’enfoncer le clou, de faire passer l’idée que la sécurité sanitaire justifie les privations de libertés et exige des sacrifices. Le confinement a permis de faire admettre – du moins pour un temps – de graves restrictions des libertés individuelles. Les Etats et les géants qui dominent Internet vont plus loin, en voulant élargir le contrôle et la surveillance des populations[9]. En France, depuis le livre de la défense de 2008, l’Etat s’est doté d’un arsenal stratégique, logistique et législatif pour renforcer le contrôle de la population en temps de crise sanitaire[10]. Faire accepter ces mesures est essentiel et doit permettre d’isoler les opposants et de renforcer les outils coercitifs qu’il faudra bien utiliser contre ceux qui se révolteront quand leurs conditions de vie deviendront insupportables. Il ne faut pas oublier, qu’avant la crise du COVID 19, nous avons connu deux mouvements sociaux contre les attaques du code du travail ; le mouvement des gilets jaunes et la plus longue grève du pays, à propos de la réforme du système de retraite. Mais pour que la violence étatique accrue soit acceptée, il faut que le malthusianisme, ce fondement de l’idéologie libérale, gagne du terrain : « Un homme qui est né dans un monde déjà possédé, s’il ne lui est pas possible d’obtenir de ses parents les subsistances qu’il peut justement leur demander, et si la société n’a nul besoin de son travail, n’a aucun droit de réclamer la moindre part de nourriture, et, en réalité, il est de trop.»[11] On a déjà vu poindre l’idée qu’il fallait « prioriser » les patients que l’on devait tenter de sauver, en cas de saturation des services. Puis on a émis l’idée que les personnes âgées devaient rester confinées jusqu’en 2022. On commence même à hiérarchiser l’utilité des métiers. A quand la différenciation entre ceux qui travaillent et ceux « qui sont un poids » ? Cela fait déjà un moment que les populations les plus précaires sont montrées du doigt : elles coûtent « un pognon dingue »[12] et l’insulte à la mode depuis quelques années – « celui-là, il sert à rien ! » – nous rappelle que ce discours s’insinue dangereusement dans les têtes. - Limiter le débat sur la relance de l’économie à des mesures globales
Il est indispensable pour les élites de faire admettre que la relance de l’économie passe par des aides à toutes les entreprises en évitant au maximum que l’on rentre dans le détail. Faire admettre qu’une entreprise de 40 salariés risque la faillite après deux mois d’inactivité et qu’il faut l’aider, voilà l’exemple qui doit permettre de justifier tous les sacrifices. Mais si l’on commence à comparer les 3,8 milliards d’aides sollicitées par les PME aux 20 milliards du plan de sauvetage des grandes entreprises – qui ont des liquidités, personne n’en doute – ou si l’on commence à se demander pourquoi ce sont des banques privées qui vont, une fois de plus, prêter l’argent garanti par l’Etat et empocher des dividendes, la question risque d’être plus compliquée. Car il s’agit une fois de plus d’augmenter les bénéfices et polariser les richesses sur un petit nombre[13]…
Jusqu’à quand ?
Le discours politique que nous présentent les élites comporte des failles. C’est un problème pour elles, car l’opinion de bon nombre de gens a évolué avec cette crise : la conscience que les catastrophes écologiques majeures sont imminentes et peuvent nous toucher directement ; la conviction que ce que nous vivons actuellement n’est pas une vie mais un cauchemar dont nous voulons sortir et ne plus jamais revivre.
L’Etat n’a pas convaincu dans sa gestion de la crise et dans sa prétention à assurer la sécurité. Trop de cafouillages et de discours contradictoires pour masquer les carences du système de santé ; l’incapacité du pays à produire certains produits essentiel (comme les masques) ; les arrangements qu’il a permis par ses décisions pour faire plaisir aux grandes entreprises ; sa tolérance du non-respect du confinement par les classes les plus aisées[14]. L’annonce du retour en classe des élèves a été perçue comme un cadeau au MEDEF. La volte-face du gouvernement qui a annoncé que les enfants ne sont pas de grands vecteurs de propagation du virus, après avoir dit strictement le contraire le mois précédent, n’a pas convaincu[15].
Dans ces conditions, il lui sera difficile d’éviter la mise à plat des problèmes et un questionnement global.
Les mesures d’urgence pour relancer l’économie sont en contradiction avec les prétentions à se positionner en réformateurs. Pour endosser ces habits de bâtisseurs d’un monde nouveau, les élites doivent reconnaître que cette crise sanitaire n’est pas une simple histoire de mauvaise conjoncture, de fatalité. Difficile de faire autrement. Aussi, elles anticipent les critiques pour enfermer l’argumentaire écologiste dans une logique réformiste. La première ministre belge ne déclarait-elle pas : « Au cours des dernières décennies, nous avons assisté à une augmentation spectaculaire de nouvelles maladies telles que Ebola, la grippe porcine, le SRAS et maintenant, COVID-19. Les recherches scientifiques démontrent que ces épidémies sont directement liées à la destruction et à l’exploitation par l’humain de l’environnement naturel : la déforestation, l’agriculture industrielle, l’usage d’antibiotiques, le réchauffement climatique ou encore les déplacements internationaux en sont des exemples. Les animaux sauvages n’ont plus assez d’espace pour vivre. Des maladies se transmettent ainsi entre espèces qui ne se rencontraient jamais auparavant. L’élevage intensif crée des possibilités d’évolution et de propagation de maladies dangereuses à grande échelle. » Et Macron de la suivre : « Nous avons échoué en tant que responsables politiques à prendre la mesure de la gravité de la catastrophe écologique. Mais aujourd’hui, la crise du Coronavirus nous fait enfin prendre conscience de la profondeur du changement qui sera nécessaire : nous devons transformer notre mode de vie, et ce dès maintenant. »[16] Mais il est difficile, ensuite, de justifier les cadeaux faits aux très grandes entreprises. Et quand le MEDEF demande un moratoire sur les mesures écologiques et environnementales, le gouvernement se trouve dans l’embarras.
Ainsi, la voracité des possédants est un handicap pour des gouvernants qui essayent de se construire une image acceptable. Et il n’est pas dit que la mise en avant du sauvetage des petites entreprises pour favoriser les hautes sphères soit suffisante pour calmer le peuple. Si les mouvements sociaux ont connu un coup d’arrêt, les ressentis demeurent. Et il va être difficile de poursuivre l’entreprise de démolition des services publics dans ces conditions, tout comme il sera compliqué de paupériser un peu plus une population qui n’en peut déjà plus.
Par ailleurs, l’argument sanitaire pour faire passer les lois liberticides et les sacrifices à venir est à double tranchant. En agitant le spectre d’une nouvelle pandémie, pour pérenniser les mesures « d’urgences », les élites reconnaissent que nous ne sommes pas à l’abri de nouvelles situations de ce type. Le monde que l’on nous demande de sauver nous promet de vivre avec cette menace. Les élites prétendent changer ce monde et, dans le même temps, elles veulent nous imposer des mesures qui annoncent clairement que rien ne va changer. Il n’est pas évident que la majorité de la population accueille cela sans réagir.
Il y a donc la place pour demander des comptes.
Mais cette critique ne peut être entendue que si elle remet en question le postulat qui prétend qu’il faudrait relancer ce modèle économique et politique pour le réformer de l’intérieur. Sur quoi se base ce postulat ? Voilà un modèle qui a subi deux crises majeures en douze ans. Les populations n’ont pas fini de payer la première qu’elles devraient déjà éponger la seconde… en attendant la prochaine !
Ce n’est pas un hasard si, dès 2008, le livre blanc de la défense préconisait un programme pour se préparer à ce type de crise sanitaire. Mais qu’ont-ils fait pour anticiper ces crises, puisqu’ils en connaissaient les risques ? En France, les politiques ont laissé se poursuivre les délocalisations (y compris des usines fabriquant des masques par exemple), ils ont démantelé le système de santé, démantelé les services publics, sans avancer d’un pas dans le domaine de l’écologie. Pire, ils n’ont jamais remis en cause la mondialisation libérale de l’économie. Au contraire, ils l’ont soutenue.
Les élites n’ont préparé qu’une chose : le contrôle des populations et la répression. Et il n’y a qu’à ce niveau que l’Etat a été efficace.
Que proposent les élites ?
1) Il faut que nous payions la crise pour relancer l’économie.
2) Il faut réduire les libertés individuelles et accroître le contrôle des populations pour réduire les risques sanitaires liés aux pandémies.
3) Elles promettent d’essayer d’orienter les politiques publiques pour qu’elles prennent en compte les nouveaux risques et en réduisent les effets.
Qu’est-ce qu’elles ne sont pas en mesure d’assurer ?
1) qu’il n’y aura pas de nouvelles crises pandémiques de ce style, vu que c’est dans cette optique que les mesures coercitives sont justifiées ;
2) que c’est la dernière fois que nous paierons ;
3) que les réformes promises en matière de politique écologique seront réelles et efficaces.
Alors oui, une critique radicale du système est audible et nous devons la porter car beaucoup se rendent compte qu’il est impossible de continuer ainsi.
On ne peut pas continuer à vivre dans une économie mondialisée aux telles conséquences. Le modèle économique actuel n’est pas fiable. Va-t-on devoir subir une crise majeure tous les dix ans ? Le système économique actuel n’est pas vivable. Combien de sacrifiés pour un tel résultat ?
Le modèle politique étatique a montré sa vraie nature : performant dans la répression et le contrôle des populations, inopérant en matière de solidarité. Ce sont les initiatives individuelles et collectives parties des citoyens eux-mêmes qui nous permettent de tenir, pas l’Etat. Et nous savons bien que lorsque l’on reprend l’initiative, il est plus facile de comprendre que l’on peut se passer de lui. Alors à quoi nous sert l’Etat ?
Enfin, cette crise sanitaire pose la question du projet de société que nous promet le capitalisme. Une vie anxiogène où nous sommes réduits à une fonction de « producteur » asservi ou/puis de rebus bon à jeter, de citoyens contrôlés, confinés, sans liberté. Nous perdons notre dimension d’humain pour être réduits à ce que l’on peut nous prendre en temps de vie et en énergie pour produire des richesses que l’on nous vole. Le capitalisme est un système mortifère et liberticide. En échange de quoi, il promet l’accès à la consommation pour une partie – une partie de plus en plus réduite en France – et l’opulence pour quelques rares. Et le bonheur dans tout ça ? Est-ce que cela vaut la peine ?
Pendant le confinement, nous avons eu le temps de réfléchir, de prendre du recul, de nous interroger. L’acceptation des politiques que nous subissons n’est pas une fatalité. Mais c’est un combat à mener. Un combat pour la défense de nos droits fondamentaux, un combat pour la vie. Et ce combat ne peut être mené qu’en condamnant sans équivoque le système capitaliste et la domination étatique dans leur existence.
Jipé
[1] « La Peste », Albert CAMUS, 1947.
[2] « Le Conseil constitutionnel déchire la Constitution », Paul CASSIA, Mediapart, 27 mars 2020.
[3] « Pendant la guerre de 1914-1918, le Parlement s’est battu pour ses prérogatives », Fabienne ESCOLA, Mediapart, Interview de Fabienne BOCK, 26 mars 2020.
[4] « Discours sur la guerre », Maximilien ROBESPIERRE, 18 décembre 1791.
[5] https://zintv.org/naomi-klein-comment-lelite-mondiale-va-tenter-dexploiter-la-pandemie/
[6] « Coronavirus : le FMI prédit une récession mondiale historique, avec un recul de la croissance estimé à 3% en 2020 », Julien BOUISSOU, Le Monde, 15 avril 2020.
[7] « Coronavirus : le FMI prévoit la pire récession depuis 1930 », Courrier International, 15 avril 2020.
[8] « Observatoire de l’OIT : le COVID-19 et le monde du travail », 7 avril 2020.
[9] Pour se faire une idée, il suffit de lire l’article d’Amesty International sur le sujet, même si l’organisation admet une surveillance encadrée par la loi, ce qui en dit long sur la facilité d’imposer des mesures liberticides en ces temps de crise… https://www.amnesty.fr/actualites/covid-19-et-surveillance-numerique–et-nos-droits
[10] Livre Blanc de la défense, 2008, pages 55 et 64 : « Les risques sanitaires sont susceptibles d’engendrer une désorganisation des échanges économiques. Ils présentent des coûts de prévention et de protection très importants. La propagation de nouvelles souches virales ou bactériennes ou la réapparition sur le continent européen de souches anciennes résultent de l’ouverture des frontières, de la fluidité des transports et de la rapidité des échanges internationaux (…). La nature des crises possibles dans les prochaines années appelle la prise en compte, dans la stratégie de sécurité nationale, de l’objectif de résilience. C’est en effet un devoir pour l’État de se préparer à répondre aux situations dans lesquelles pourraient être mis en cause la vie de la population ou le fonctionnement régulier de la vie économique, sociale ou institutionnelle du pays. Cela suppose une organisation des pouvoirs publics conçue dès le temps de paix pour prendre en compte les hypothèses du temps de crise, et l’établissement de priorités dans les capacités de renseignement, d’analyse et de décision. La résilience suppose aussi d’organiser la coopération entre l’État et les collectivités territoriales, pour la complémentarité des moyens, et entre l’État et les entreprises privées dans les secteurs stratégiques (énergie, communication, santé, alimentation). Accroître la résilience des institutions démocratiques, de la société et de la vie économique constituera donc un objectif fondamental de la stratégie de sécurité nationale, mise en œuvre par l’État et l’ensemble des collectivités publiques. »
[11] « Essai sur les principes de population », Thomas Robert MALTHUS, 1798.
[12] « On met un pognon de dingue dans les minima sociaux », déclaration d’Emmanuel MACRON le 12 juin 2018.
[13] Pour exemple, « En France, l’Association française des entreprises privées, qui rassemble les plus grandes entreprises multinationales française, a soumis à ses membres une note à destination des instances européennes demandant le report de toute une série de nouvelles normes relatives au climat, à la transparence, à la fiscalité, à la gouvernance durable, au devoir de vigilance. » in « COVID 19, Devoir de vigilance comme boussole, le monde du travail dans la tourmente », CCFD, Note d’analyse, Avril 2020, https://ccfd-terresolidaire.org/IMG/pdf/covid19_devoirdevigilance.pdf
[14] L’exemple du vol Paris-Marseille, plein, volant dans l’impunité, le 18 avril dernier, pendant que les Français se faisaient contrôler à l’entrée des boulangeries a marqué les esprits.
[15] « Coronavirus : finalement, les enfants ne seraient pas de grands vecteurs de transmission du Covid-19 », Anissa BOUMEDIENE, 20 minutes, 23 avril 2020
[16] Pour lire l’intégralité des deux interventions, on peut consulter le site : https://www.passerelleco.info/article.php?id_article=2348