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Encore un article sur la Covid… n’a-t-on pas fait le tour de cette affaire ? Sars-CoV-2. Aux origines du mal (1) l’enquête du journaliste scientifique Brice Perrier a cela d’intéressant qu’elle montre que, depuis le début de cette pandémie, l’opacité et la mystification ont dominé le paysage, favorisant à la fois la « doxa » et les théorie « complotistes » qui sont les deux faces de la même monnaie. Le virus a-t-il une origine naturelle, ou est-il sorti d’un laboratoire de Wuhan ? Telle est la question posée.

L’auteur ne conclut pas, mais à la fin de l’ouvrage on peut se faire une opinion et elle n’est pas à la gloire de la recherche scientifique. L’enquête organisée par l’OMS en février 2021 n’était ni objective, ni approfondie. L’équipe « conjointe » qui l’a menée était constituée pour moitié d’experts chinois et parmi les autres membres, il y avait au moins un chercheur ayant un conflit d’intérêt (le zoologue Peter Daszac, président d’EcoHealth Alliance, une ONG qui finance notamment l’Institut de virologie de Wuhan). Pour en savoir plus, une nouvelle enquête complète et sans restriction devrait être organisée, comme le demandent 26 scientifiques dans une Tribune reproduite en annexe de l’ouvrage. Il y a peu de chance que cela se fasse, les autorités chinoises n’y étant guère favorables…

Parmi ses autres mérites, ce livre nous rappelle que des faits rendus publics depuis le début de cette affaire n’ont pas fait le buzz et ont été éclipsés par des « nouvelles » plus palpitantes. Il nous éclaire aussi sur le monde futur que nous préparent certains adeptes de la « science » réellement existante.

Pangolin ou vison ?

Tout le monde sait que le pangolin a été pressenti comme intermédiaire entre la chauve-souris et l’humain dans la transmission du virus. Cet animal solitaire, en voie de disparition (c’est le plus braconné au monde) est un très mauvais candidat dans le rôle de chaînon manquant. Si l’on en croit un expert interrogé par l’auteur, les projecteurs orientés sur cette malheureuse bête furent « une tentative de diversion pour nous faire regarder ailleurs ». L’Occidental fantasme volontiers sur l’image du Chinois mangeant n’importe quelle viande de brousse. L’idée que la nature agressée se serait vengée a circulé. Elle a séduit des défenseurs de l’environnement. Cet imaginaire a remplacé une recherche approfondie sur les élevages qui facilitent – par les « contacts récurrents entre l’Homme et l’animal » – le franchissement d’espèce des virus.

17 millions, c’est le nombre de visons d’élevage abattus au Danemark à l’automne 2020 (presque trois par habitant du pays) suite à une mutation de Sars-CoV-2 (nom scientifique du virus de la Covid-19) découverte chez cet animal et transmissible aux humains. La Chine, leader mondial de cette industrie, avec 20 millions de visons en captivité, n’a rien fait de semblable. Ses élevages – qui se trouvent surtout à l’Est du pays où il y a également des chauves-souris – n’ont pas été investigués. Il faut dire que ce commerce est très lucratif ! De plus il y a en Chine des élevages de chiens viverrins élevés pour leur viande (14 millions) ou de renards (17 millions) qui sont également des animaux susceptibles de transmettre la Covid-19, mais sur lesquels il n’y a pas eu d’enquête. La célèbre virologue Zhengli Shi (appelée aussi la « Batwoman de Wuhan ») a évoqué la piste des élevages de vison en janvier 2021, en parlant de huit pays où l’on a détecté des visons infectés, mais pas de la Chine, où par contre, pour donner le change, des tests ont été effectués sur des porcs, des vaches, des chèvres, des poulets ou des canards qui se sont tous révélés négatifs. La thèse que veulent faire passer les autorités chinoises – notamment en direction l’OMS – est celle d’une importation de la Covid-19 dans le pays depuis l’étranger…

En juillet 2020, en Aragon (Espagne), dans la commune de La Puebla de Valverde, près de 100’000 visons ont été tués après que sept employés d’une ferme d’élevage aient été testés positifs à Sars-CoV-2. Or, une nouvelle lignée du virus a émergé fin juin 2020 en Aragon et a gagné ensuite le reste de l’Europe. Dans un article paru en 2021, le patron de l’exploitation aragonaise se plaignait de ne pas avoir été indemnisé à la différence de ses 1’600 concurrents danois ou de ses 640 concurrents hollandais (2). Car aux Pays-Bas aussi des centaines de milliers de visons ont été abattus… Dans ce pays, il a été prouvé que le virus est passé des hommes aux visons et réciproquement (3).

Retournons un peu en arrière. On se souvient qu’en Italie, les premiers cas d’infection recensés fin janvier 2020 étaient ceux de touristes chinois. Mais le premier patient italien hospitalisé et testé positif à Sars-CoV-2 était un habitant d’un village situé à 60 km de Milan. Il était porteur d’une souche de coronavirus différente de celle des touristes. Or, c’est cette souche « italienne » qui va ensuite devenir dominante en Europe. Le premier foyer italien (et européen) se trouve dans une zone rurale située entre les villes de Lodi, Bergame et Crémone. En mars 2020, on y trouve 72% de tous les cas recensés de Covid-19 d’Italie. En recherchant où la surmortalité a explosé dans cette région au début de l’épidémie, on trouve trois villages, dans chacun desquels il y a un élevage de visons. Le plus important, avec 30’000 bêtes, est celui du président des éleveurs italiens, qui se rend régulièrement en Chine…

De plus, dans le secteur du vison, il existe un vaste réseau d’échange international lié de la vente d’étalons. En transmettant leurs gènes, ces mâles reproducteurs peuvent aussi diffuser des maladies dans le monde entier. Les élevages en batterie de ces animaux à fourrure qui poursuivent leur activité ou qui aimeraient la reprendre, comme c’est le cas du patron de la firme espagnole, constituent donc des réservoirs potentiel à virus. Ils ont joué un rôle dans la diffusion de la Covid-19, mais en sont-ils à l’origine ?

L’hypothèse de l’accident

En suivant l’autre piste, celle de l’accident de laboratoire, l’auteur présente de nombreux indices. Cette enquête ne peut être résumée et, pour qui s’intéresse aux éléments factuels, le mieux est de lire le livre. Il traite des laboratoires de Wuhan, plus ou moins sécurisés (il y a un laboratoire P4 le plus sécurisé, conçu par des Français et financé par les Américains, mais aussi des P3 et P2 qui détiennent des coronavirus) ; de l’officiel chinois qui s’exprime dans une publication scientifique quasi-officielle – peu avant l’épidémie – pour demander une meilleure sécurité des labos ; de données sur la nature (4) du virus ; d’études statistiques sur la probabilité du départ d’une pandémie d’origine naturelle à Wuhan plutôt qu’ailleurs ; de la dimension politique et économique de cette affaire, avec les déclarations intempestives de Trump qui le discréditent et qui ne font pas avancer le débat scientifique, au contraire ; des démarches australiennes demandant une enquête approfondie et qui sont stoppées, suite à des rétorsions chinoises visant les exportations de viande de bœuf… On constate ainsi que « l’origine de Sars-CoV-2 est aussi une affaire d’États ».

A l’initiative de Peter Daszak : l’expert auprès de l’OMS qui collabore avec l’Institut de virologie de Wuhan « dont il contribue au financement grâce à des fonds publics américains », une vaste campagne médiatique (avec une tribune signée par 27 scientifiques dans The Lancet le 19 février 2020) assimile l’hypothèse de l’accident de laboratoire à un raisonnement conspirationniste. En France, les « décodeurs » du journal Le Monde expliquent que de croire à une origine accidentelle – comme 26% des Français – est en soi « psychologiquement pathologique ». Ces allégations sont fallacieuses, car un accident n’est pas un complot, c’est une erreur ou une imprudence (5), mais pas un acte volontaire conçu dans un but malfaisant. D’ailleurs des fuites de virus se sont déjà produites, raison pour laquelle, en octobre 2014, le gouvernement américain avait imposé un moratoire sur le financement de tout projet de recherches qui rendrait un virus plus mortel ou plus contagieux – en vertu d’expériences de type « gain de fonctions » qui consistent à doter des virus d’une plus grande capacité à infecter.

Pour qui est béotien en la matière, la découverte des recherches qui sont développées par certains laboratoires de virologie a de quoi inquiéter. Des virus sont collectés auprès de la faune sauvage pour les manipuler, produire des chimères (entre les virus d’animaux différents), les inoculer à des souris humanisées (transgéniques) afin de tester leur infectiosité sur l’humain. L’objectif étant de préparer des traitements et des vaccins pour faire face à des épidémies futures.

Malgré le moratoire de deux ans, le laboratoire du chercheur Ralph Baric en Caroline du Nord a continué à expérimenter les gains de fonction, en collaboration avec Zhengli Shi. En novembre 2015, une publication commune des deux scientifiques évoque « un virus de type Sars humain adapté à des souris de laboratoire [qui] se voit insérer une protéine Spike d’un coronavirus de chauve-souris ». La conclusion de cette expérience est l’existence d’un risque de transmission du Sars-CoV des chauves-souris à l’Homme, même sans hôte intermédiaire…

Dans un long article publié en avril 2020, l’entrepreneur russe en biotechnologie Yuri Deigin s’est penché sur l’histoire des expériences de gains de fonction en lien avec le Sars-CoV-2. Par son enquête, Deigin espérait prouver l’origine naturelle de ce virus : « l’hypothèse du laboratoire lui semblait initialement aussi absurde que de croire en la Terre plate », mais a été gagné par le doute. Dans son texte, il évoque les recherches de Zhengli Shi, de Baric et d’autres et il démontre qu’« il ne serait pas difficile pour un virologue moderne de créer une telle souche ». Il en conclut que la pandémie de Covid-19 a contribué à montrer les risques de telles recherches. Pour lui, même s’il n’y avait que 0,1% de chance que Sars-CoV-2 ait eu une origine artificielle, ce serait déjà trop, d’autant que les recherches sur les « gains de fonction » n’ont pas permis d’enrayer l’expansion de la pandémie actuelle, avec ses millions de morts.

Certains scientifiques admettent que s’il était prouvé que le virus s’était échappé d’un laboratoire, c’en serait fini du financement des expériences sur les gains de fonction. Selon un professeur australien : « Tous les gros instituts qui travaillent sur les virus sont terrifiés de voir la recherche stoppée » pour cette raison. Pour qui veut faire carrière dans ce domaine, il n’y a aucun intérêt à enquêter sur le sujet ou à divulguer ce que l’on sait.

Curieux détail : les autorités chinoises qui tout d’abord jugeaient impossible la thèse d’un accident, pointent maintenant du doigt un laboratoire américain…

Le monde merveilleux de la « science »

Depuis une dizaine d’années, la feuille de route des virologues est celle de la quête, chez les animaux sauvages, de pathogènes qu’ils pourraient nous transmettre. Pourtant, même dans ces milieux, des voix se font entendre pour dire qu’il faudrait arrêter ce type de recherches qui peuvent « amplifier le problème en augmentant la circulation de ces virus que l’on va collecter ». Virus qui ne faisaient guère de mal dans leur milieu naturel peuplé de chauves-souris asymptomatiques et qui sont rendus plus dangereux, dans des laboratoires en zones urbaines, du fait des fameuses expériences de gains de fonction. Cette récolte se fait d’ailleurs à l’aveuglette, car les virus sont innombrables… Dans la compétition que se livrent laboratoires et chercheurs, c’est à qui aura la « chance » de tomber sur le virus qui va nous infecter et dont il faudrait se protéger en essayant, par des manipulations génétiques, de prévoir ce que pourraient être ses futures mutations naturelles…

Dans les agendas internationaux, il est prévu de séquencer 600’000 à 800’000 virus. Jusqu’ici, le travail a été fait pour 5’000 d’entre eux. Il y aura donc beaucoup de travail pour les laboratoires existants et pour tous ceux qu’il faudra construire afin de réaliser cette tâche titanesque.

A-t-on vraiment besoin de ça ? s’interroge l’écologue Serge Morand qui considère que c’est sur le terrain, dans le voisinage de la faune sauvage que l’on doit être vigilant. D’abord en cessant de détruire la biodiversité par la transformation de zones forestières en terrains agricoles, mais aussi – ce qu’il fait en Thaïlande – en enquêtant auprès des communautés locales, afin de repérer les maladies émergentes avant qu’elles ne se transforment en crises sanitaires. Il ne s’agit pas de récolter un maximum de virus, mais d’étudier ce qui se passe dans les zones à risques en observant les interactions entre les populations humaines, les élevage et l’environnement naturel.

Toute autre est la logique d’un Bill Gates qui, comme d’autres, annonce la venue inéluctable d’une ère des pandémies, face à laquelle « notre unique salut serait la conception de vaccins pan-virus capables de nous protéger contre toutes les grippes ou tous les coronavirus… ». Mieux encore, des scientifiques envisagent de diffuser dans la nature un type de vaccin destiné « à s’autopropager, comme un virus [qui] servirait à se prémunir des zoonoses en vaccinant des animaux sauvages susceptibles de nous transmettre des virus ».

Quand un anarchiste à St-Imier – qui fait campagne en faveur de la vaccination contre la Covid-19 dans la presse mainstream – déclare avoir « confiance dans les choix de la communauté scientifique » (6) est-ce à ce genre de science qu’il se réfère ?

Notre propos ici n’est pas de préconiser ou de dénigrer tel ou tel « choix » (on non-choix) médical ou prophylactique… ce serait un autre débat, mais d’observer que la « communauté scientifique », si une telle chose existe, est traversée par les rapports de forces économiques et politiques. Les biologistes baignent dans « un environnement concurrentiel et commercial [qui] les incite à multiplier les expériences de génie génétique ». Pour publier dans les meilleures revues et faire avancer sa carrière, il faut pouvoir présenter des expériences audacieuses, quitte à occulter les risques inhérents à certaines pratiques. Le principal enseignement de l’enquête de Brice Perrier est de mettre en lumière cette fuite en avant qui repose sur le postulat que la technologie permet une sécurité maximale et que la recherche est en mesure d’imiter la nature et de la contrôler, soit une volonté de puissance et un aveuglement « scientiste ».

Comme conclut Serge Morand dans la postface du livre, avec la multiplication des laboratoires où se réalisent des expériences potentiellement dangereuses « la liste des risques globaux s’allonge. Elle était pourtant déjà bien remplie avec les sites classés Seveso, les centrales nucléaires, le terrorisme… ». Il ne faudrait pas que la pandémie de Covid-19 serve de prétexte à l’expansion de cette science-là, mais au contraire qu’elle nous mette en garde contre ses dangers.

Notes

1) Brice Perrier, Sars-CoV-2. Aux origines du mal, Paris, Belin, mai 2021. Sauf autre précision, les citations entre guillemets proviennent de cet ouvrage.

2) « La empresa gestora de la granja de visones de La Puebla reclama la indemnización por el sacrificio de animales », Diario de Teruel, 5 mai 2021.

3) Libération, 13 juin 2020.

4) Les explications sur les particularités biologiques de Sars-CoV-2 constituent une partie importante de l’étude de Brice Perrier que nous ne sommes pas en mesure de synthétiser. Disons seulement que certaines spécificités pourraient indiquer que le virus a été manipulé (dans le but de créer un vaccin par exemple) et qu’il ne serait pas le fruit d’une évolution naturelle.

5) Comme l’explique le microbiologiste du CNRS Dominique Morello : une souris peut s’enfuir de sa cage « ce que tous les débutants ont expérimenté » et contaminer celui ou celle qui essaie de l’attraper. Un mauvais traitement des déchets peut contaminer des gens à l’extérieur d’un labo, sans que ceux qui travaillent à l’intérieur ne s’en rendent compte… Brice Perrier, op. cit., p. 124.

6) Le Matin du 11 août 2021.