Il y avait du monde ce mardi 15 novembre pour échanger à propos des anarchistes face à la guerre dans le cadre du Centre international de recherche sur l’anarchisme (CIRA) de Lausanne.
Une petite brochure* avait été préparée pour l’occasion. Celle-ci évoque les difficultés et désaccords qui traversent le mouvement libertaire, depuis longtemps, à propos des conflits armés. Concernant la guerre en Ukraine, elle donne des extraits de prises de positions de militant.es sur place, ainsi que d’analystes qui ont une influence sur le mouvement libertaire.
Aujourd’hui encore, les personnes qui se revendiquent de l’anarchisme ou qui sympathisent avec le mouvement libertaire ne sont pas d’accord entre elles et différentes opinions se sont exprimées. Elles allaient de l’appui à l’engagement d’« anarchistes » dans l’armée ukrainienne, à la dénonciation de l’impérialisme étatsunien, face auquel une réintégration de l’Ukraine à la Russie serait appropriée pour en terminer avec la guerre ! Toutefois, la plupart des participant.es ont défendu les valeurs anarchistes d’antimilitarisme, de rejet de la guerre, du nationalisme et des industries d’armement, de solidarité avec les déserteurs, les victimes et les réfugié.es.
Parmi les prises de position des anarchistes aussi bien en Russie qu’en Ukraine, celle du groupe Assembly de Kharkiv a attiré notre attention. Notamment sa position favorable à la possibilité, pour les hommes qui ne veulent pas se battre, de quitter le pays. Un point de vue qui serait largement partagé au sein la population, comme quoi tout le monde n’est pas nationaliste et militariste en Ukraine et que des actions sociales de résistance sont possibles.
Le courage de celles et ceux qui résistent en Russie ou en Biélorussie, par des manifestations, du sabotage… a aussi été souligné. Tout comme la faiblesse et maintenant l’absence de mobilisations anti-guerre tant en Suisse qu’en Occident en général. La conscience douloureuse que l’on n’a peu ou pas d’influence sur les événements en cours était largement partagée.
Cette rencontre fut un moment de lucidité et d’échange comme on devrait en avoir plus souvent.
IL y a un problème avec la brochure du CIRA. Ils présentent par exemple des extraits de l’interview de deux « ukrainiens de l’Est » réalisé par Hackers comme étant des anarchistes.
Or ces deux personnes sont bien connues, elles ont des pages facebook qu’on peut consulter librement. Si l’un d’entre eux est vaguement anarchiste, le second (Sergiy Shevchenko) qui s’est engagé dans l’armée Ukrainienne est un nationaliste qui a écrit par exemple ; » Je sers dans une unité créée par des nationalistes, qui est approvisionnée par les autorités municipales et par des volontaires, et qui est financée par des entreprises privées. Nous donnons des cours sur l’anarchisme aux combattants et nous organisons des comités de soldats qui veillent au bien-être des combattants et au respect de leurs droits sans que cela ne pose aucun problème. On peut trouver arme à la main dans une même tranchée un anarchiste, un nationaliste, un euro-optimiste, un simple paysan, un ouvrier ou un informaticien sans opinion politique précise. Tous sont unis par un même désir de protéger leur peuple, et l’indépendance et la liberté de l’Ukraine. Nous sommes tous frères et sœurs, nous sommes le peuple ! C’est le slogan universellement partagé et la seule idéologie qui règne aujourd’hui. La Révolution française de 1789 a créé une nation française, la révolution ukrainienne de 2013-14 et surtout la guerre de 2022 sont en train de créer une nouvelle nation, la nation ukrainienne. Le peuple s’est réveillé. Les 600 années de lutte et de souffrance du peuple ukrainien touchent à leur fin. » (https://mouvements.info/leruption-de-la-russie-en-ukraine/) Ces deux personnages ont fait l’objet d’un communiqué du KRAS AIT très clair (https://iwa-ait.org/content/again-about-anarchists-who-forget-principles) Que hackers se soit fait berner, on peut mettre ça sur le compet de la naiveté mais le CIRA … Ceci étant pas étonnant vu qu’ils se placent sous la figure tutelaire dont l’engagement du côté du Congrés pour les libertés montre bien qu’il avait choisi son camp …
J’ai aussi participé à la soirée du CIRA. Mon premier constat est qu’il est plus que jamais nécessaire d’avoir de tels échanges, en direct, autour des problèmes « chauds » de l’actualité et des questions que cela pose au « mouvement anarchiste ». Trop souvent, les échanges se font à distance, via des textes, le net et les réseaux sociaux ce qui tend à encourager le raidissement des positions. L’échange direct n’efface pas les différences entre les positions, fort heureusement d’ailleurs !, mais il permet qu’elles soient discutées entre les personnes qui les portent. Ce fut le cas lors de la soirée organisée par le CIRA sur la question de la guerre que fait l’état russe à l’Ukraine et à ses populations.