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La dernière conférence des Journées libertaires sur « La pratique amoureuse, forme de résistance sous un régime théocratique, l’Iran » a été donnée par Somayeh Khajvandi réfugiée politique qui prépare une thèse sur ce thème et Behrouz Safdari, traducteur en persan des ouvrages situationnistes.
En introduction, les conférenciers nous ont remis en mémoire le vaste soulèvement populaire de 2009 qui avait suivi la réélection contestée de Mahmoud Ahmadinejad. Une révolte trop vite oubliée sous nos latitudes, comme d’ailleurs la terrible répression qui l’a suivie. Dans un contexte de répression extrême, comment éviter la violence ? Comment ne pas jouer avec les mêmes armes que l’ennemi ? Tel a été le fil conducteur de cette présentation.

Quand en 1979, le Shah d’Iran est renversé, une dictature du 20e siècle est remplacée par une dictature archaïque celle de Khomeini. Les références idéologiques de ce régime sont les mêmes que celles de Daech, mais personne ne voulait le voir à l’époque. Aujourd’hui, après 35 ans, l’islamisation de la société, de l’école, de tous les aspects de la vie est un échec. Citant Raoul Vaneigem, Behrouz Safdari évoque « l’Internationale du genre humain », car les manifestations de vie et d’amour subsistent, même dans des conditions d’extrême violence. Même là où il n’y a pas d’organisation de résistance, il peut exister une résistance quotidienne, comme celle manifestée par de nombreuses femmes iraniennes qui chantent alors que ça leur est interdit ! Behrouz établit un parallèle entre le travail de recherche de Somayeh et l’enquête de 1929 de la Révolution surréaliste, sur l’amour…

En Iran, toutes les jouissances sont combattues au nom de l’au-delà. Par exemple, si un homme et une femme sont ensemble dans la rue, ils doivent justifier d’un lien familial. Les membres de la « brigade des mœurs » s’en prennent aux femmes mal voilées et reniflent la bouche des passants pour s’assurer qu’ils ne sentent pas l’alcool !

Somayeh nous a décrit l’expérience scolaire d’une fille. A l’école, les sexes sont séparés. Dès l’âge de 7 ans, les fillettes doivent porter le voile ainsi qu’un manteau de couleur sombre. Dès 9 ans, la fille est considérée comme pubère et doit faire tous les devoirs religieux des adultes. C’est 15 ans pour les garçons. Une cérémonie a lieu pour chaque fille lors de sa première menstruation. On lui inculque la culpabilité : la fille qui a ses règles ne doit pas faire la prière ni toucher le Coran. Le corps humain est absent des livres scolaires. Il y a toutes sortes d’interdictions : porter des jeans, mettre du vernis à ongles ou du maquillage, écouter de la musique occidentale… Et évidemment jouer avec les garçons. Mais pendant la récréation, les élèves transgressent. Elles s’enferment en classe pour danser, chanter, rire… Somayeh le faisait aussi, bien qu’à l’époque elle fût croyante, car quand l’interdit est partout, la transgression est inévitable. C’est une lutte permanente, les autorités inventent tout le temps de nouvelles prohibitions. Il est désormais interdit de s’asperger d’eau pour s’amuser, alors que des femmes mal voilées sont victimes de jets d’acide qui les défigurent (15 cas connus en 2014, dont 2 femmes qui sont devenues aveugles et une qui est morte des suites de l’agression).

Le dysfonctionnement du système s’observe par exemple autour de la question de la virginité. C’est une question taboue : les rapports sont interdits hors du mariage et la fille vierge va au paradis… La lapidation est prévue pour les adultères. Pourtant Khomeini a autorisé le viol en prison à condition qu’il soit précédé par un mariage et tout ça avant l’exécution des prisonnières !

De son côté, la jeunesse devient de plus en plus « déviante ». Les gens se marient de moins en moins et divorcent de plus en plus (50% des couples mettent en avant l’insatisfaction sexuelle comme motif de séparation), il y a de moins en moins de naissances. Malgré les risques, de plus en plus de gens ont des relations hors mariage et de nombreux célibataires cohabitent. La solidarité entre les filles et les garçons se développe. Pour « neutraliser l’humiliation » des hommes se mettent le voile ! Dans la discussion qui a suivi, en réponse à une question, les conférenciers ont contesté l’existence d’une véritable base populaire du régime islamique, qui à leurs yeux repose avant tout sur l’organisation de la répression et des milices. Quoi qu’il en soit, la réalité délirante du régime islamique iranien mérite d’être connue et dénoncée.

A Pau, outre les conférences, les oratrices et orateurs se sont rendus dans deux cités pour répondre aux questions d’habitant-e-s qui n’assistent pas habituellement à des conférences. Pour compléter le tableau, il faut aussi évoquer l’ambiance, difficile à décrire, de ces journées : exposition sur les anarchistes en Afrique du Nord et au Moyen-Orient à la Faculté des Lettres ; petit salon du livre anarchiste avec des éditeurs et des stands de librairies ; concert de soutien ; exposition d’artistes de la région ; performances artistiques annoncée ou surprise ! Apéro et bonne humeur… Un grand merci aux copines et copains de la CNT-AIT de Pau qui se sont démenés pour assurer le succès de cette semaine.

Pour plus d’informations, des enregistrements, notamment ceux des conférences qui devraient s’y trouver bientôt, voir le site :

http://journeeslibertairespau.blogspot.ch/