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C’était le thème de la 8e édition des Journées libertaires de Pau, organisées par la section étudiante de la CNT-AIT, auxquelles nous nous sommes rendus.
Ci-dessous, un bref compte-rendu de deux des conférences qui ont jalonné ces journées. Réalisé à partir de nos notes, il s’agit de bribes très partielles. Pour plus d’informations, des enregistrements, notamment ceux des conférences qui devraient s’y trouver bientôt, voir le site : http://journeeslibertairespau.blogspot.ch/
La première conférence du 18 février, intitulée : « Les possibilités d’inventer la politique face à la violence extrême », a été donnée par Pinar Selek ( www.pinarselek.fr), sociologue, écrivaine, militante féministe et antimilitariste, contre qui les autorités judiciaires turques s’acharnent depuis des années.
Après un rappel historique sur la violence du pouvoir turque : le génocide des Arméniens, les massacres des Kurdes…, Pinar a évoqué le coup d’Etat de 1971 à la suite duquel, des groupes militants se sont lancés dans la résistance armée… celle-ci deviendra, au cours des années, plus minoritaire et plus violente, d’autant qu’elle fait face à la violence fasciste des « loups gris ». En 1980, à la suite d’un nouveau coup d’Etat, on compte plus d’un million de prisonniers et 300’000 exilés. Face à cette situation, dès les années 1982-83, mais surtout à partir de 1995-2000, débute un nouveau cycle de luttes, avec de nouvelles causes et de nouvelles formes d’organisation qui remettent en question les formes hiérarchiques, patriarcales et autoritaires des groupes armés. Ces luttes sont notamment le fait de groupes féministes, LGBT, antimilitaristes et écologistes sociaux qui s’affirment « anti-violents ». Ils vont développer des alliances au sein de collectifs constitués aussi bien d’organisations que d’individus. Ces collectifs se perpétuent, même quand les organisations qui les composent disparaissent. Des mobilisations comme l’occupation de la place Taksim et du Parc Gezi à Istanbul les ont fait connaître internationalement, mais d’autres luttes, semblables, se déroulent dans tout le pays. Pour faire face à la répression, des alliances se développent entre les militants antiautoritaires et des minorités comme les Kurdes. Notons la radicalité de certaines revendications : les LGBT par exemple ne revendiquent pas le mariage homosexuel, car elles/ils sont contre le mariage ! Par contre, des homosexuels qui peuvent être exemptés de l’armée, s’ils font la preuve de leur orientation, revendiquent le droit d’être appelés pour se déclarer insoumis ! La lutte contre l’hétéro-sexisme et le patriarcat traverse de part en part la société turque, à l’image de ce groupe de supporters sportifs venu s’excuser pour ses propos homophobes dans les locaux d’un groupe gay.
La conférence du 19 février sur « les révolutions tunisienne et égyptienne » a été ouverte par Jamal de Tunisie qui a rappelé le refus de la jeunesse face à l’étouffement imposé par l’ancien régime de Ben Ali. Désormais, la parole est libérée, rien ne sera plus comme avant.
Sérénade Chaffik, militante féministe, écrivaine et travailleuse sociale nous a offert une description saisissante de la révolution égyptienne à laquelle elle a participé. Pour elle, cette révolution n’était pas spontanée, mais consacrait le retour des militant-e-s dans la rue. Elle avait été précédée par des luttes ouvrières, une grève générale du textile dans la ville de Mahalla… Les inégalités de classes sont très marquées en Egypte : il y a des très riches qui exploitent une domesticité innombrable et des très pauvres. Sérénade a aussi évoqué le mouvement des avocats en 2008 qui réclamaient une justice sans corruption. Car parmi les causes de la révolution, il y a la corruption à tous les échelons du régime de Moubarak. Pour illustrer son propos, Sérénade nous a donné l’exemple des enseignants dont le salaire ne permet pas de payer un loyer. Le résultat, c’est la « classe après la classe », soit un cours privé obligatoire !
Au début de la révolution de 2011, les jeunes qui se mobilisent décident de rester sur place avec des slogans comme « révolution de l’humour » et « digage » (« dégage » adressé au président Moubarak, qui reprend le slogan des révolutionnaires tunisiens à l’encontre de Ben Ali). Ces jeunes militants n’appartiennent pas aux classes les plus populaires, mais celles-ci vont rapidement rejoindre ceux qui demandent la justice pour elles. Malgré des attaques d’une extrême violence qui feront de très nombreux morts, les manifestant-e-s resteront sur la place Tahrir (il faut parler de places Tahrir au pluriel, car les manifestations ont lieu dans de nombreuses autres villes que Le Caire). La suite est plus triste : il y aura la victoire électorale de Mohamed Morsi des Frères musulmans, rapidement contesté par le peuple, puis la prise du pouvoir par l’armée…
C’est ce chantage islamisme versus dictature militaires qu’il faut désormais refuser. Dans la perspective de nouvelles élections, le slogan c’est « tant que le sang des Egyptiens ne vaudra rien, aucun ne sera mon président ». Aujourd’hui, il y a la répression… mais les gens n’ont plus peur, c’est un acquis. Tout comme le sont les créations culturelles, artistiques, littéraires… qui foisonnent depuis la révolution. Sérénade conclut son propos en nous demandant d’écrire à l’ambassade pour exiger la libération des 40’000 prisonniers politiques qui moisissent dans les geôles égyptiennes.
Tewfik Allal, éditeur, syndicaliste et coordinateur du Manifeste des libertés a poursuivi la présentation en rappelant le soulèvement d’octobre 1988 en Algérie, à ses yeux prémonitoire de ce qui va se produire en 2010-2011 en Tunisie. Les mouvements d’indépendance des pays du Maghreb avaient « zappé » la question des libertés et le féminisme, ils étaient « national-populistes ». Dans le cas de la révolution tunisienne, il faut évoquer le rôle de la centrale syndicale UGTT dont les cadres locaux rompent avec la direction et mettent leurs locaux à disposition des mouvements associatifs et sociaux. Aujourd’hui, même les mouvements islamistes vivent des contradictions, discutent et se divisent sur les questions sociétales. En Egypte, le changement se poursuit, c’est un processus qui ne se fera pas en un soir. Le peuple à fait chuter quatre gouvernements… maintenant on ose parler, on ose par exemple défendre les homosexuels.
Dans la discussion qui a suivi, les participant-e-s ont débattu du concept de « révolution démocratique ». Comment soutenir le processus d’une constituante, quand les ressources sont entre les mains du régime ? L’essentiel ne serait-il pas de mettre à jour les nouveaux questionnements, de faire connaître des mouvements libertaires et sociaux largement ignorés du public ; dans le cadre d’une publication, par exemple, qui se fixerait comme objectif de donner de l’information et du sens, dans la perspective de construire une vision globale face à la parcellisation des révoltes.
Dans un prochain texte nous évoquerons la 3e conférence intitulée « La pratique amoureuse, forme de résistance sous un régime théocratique, l’Iran ».